Rang 7 Est de Palmarolle, 1938. De gauche à droite, Paul-Émile, Émile, Léa, Olivier et Joseph-André.

La famille Mercier déménage en Abitibi

 

En 1935, mon grand-père, Émile Mercier, décida de s’installer en Abitibi. Après avoir vendu sa terre de St-Luc Dorchester, il prit les « gros chars » et vint s’établir avec sa famille à Palmarolle, en Abitibi-Ouest. 

Émile n’avait pas pris cette décision sur un coup de tête. En homme avisé et prudent, il avait d’abord entrepris le long voyage en train pour se faire une idée du potentiel réel de l’Abitibi. À cette époque, où la Grande Dépression sévissait un peu partout, le rêve d’un mieux-être habitait bien des esprits. Aussi, nombre de ses amis s’étaient-ils mis en tête d’aller habiter ce nouveau territoire là-bas, très loin au nord. Depuis, les nouvelles affluaient de la colonisation. On parlait de belles terres, pas de roches, où l’on avait qu’à bûcher et essoucher pour ensuite cultiver. Mon grand-père débarqua, au terme de l’interminable périple sur rail, à la gare de La Sarre. Il monta ensuite à bord du camion de la poste, seul moyen de transport disponible et arriva finalement à Palmarolle, petit village constituant l’étape finale du voyage.

Les amis d’Émile l’accueillirent avec chaleur. Quelle joie en effet de revoir un proche quand on est pionnier, si loin de la terre qui vous a vu naître ! Émile partit faire le tour des terres disponibles dans le secteur. Dans le rang sept, il en trouva une, toute belle, comme il en rêvait depuis toujours. Elle était planche, avec quelques vallons ici et là et surtout, pas de roche ! À l’exception de ce petit affleurement à l’extrémité de la terre qui saurait rappeler aux enfants, le pays des ancêtres. Émile ne jongla pas bien longtemps et décida de mettre en vente sa terre de St-Luc Dorchester et venir s’installer en Abitibi. Pour lui, cela ne faisait aucun doute : il y avait de la bonne terre en abondance pour permettre à lui et ses fils de s’y établir.

Émile Mercier

Contexte

Dans les années trente, la décision de tout laisser, terre, amis, région, pour aller occuper les terres nordiques de l’Abitibi n’avait rien d’anodin. On ne pouvait se faire une idée exacte de ce qui nous attendait. Pour mon grand-père, l’expérience fut, comme pour la plupart des colons, empreinte de multiples difficultés. La rigueur de l’hiver, la mauvaise qualité des premières constructions érigées en hâte en sont des exemples notoires. Toutefois, contrairement à beaucoup d’arrivants, Émile était un cultivateur. Son expérience lui fut très précieuse dans l’adversité de la colonisation. Dans les campagnes de St-Luc Dorchester, il avait connu les affres de l’agriculture de subsistance. On produisait des denrées alimentaires pour assurer la survie de la famille et les « surplus » étaient vendus et procuraient de quoi acheter ce que la terre ne pouvait produire. L’Abitibi de cette époque ne pouvait offrir beaucoup mieux que le comté de Bellechasse. Mais les belles plaines argileuses et non pierreuses du secteur de Palmarolle, en Abitibi-Ouest, représentaient un avantage évident.

Léa Audet dit Lapointe

Arrivée de la famille à Palmarolle

À cette époque, il y avait le « plan Vautrin », un programme gouvernemental destiné à favoriser la colonisation de l’Abitibi et qui aidait les arrivants à s’établir. Les frais de transport par train de Québec à La Sarre, celui des personnes et du « char à bagage » de même que la construction de la maison étaient payés par l’état jusqu’à concurrence d’environ 500$. Comme beaucoup d’autres, la famille Mercier put en bénéficier.

Arrivé à Palmarolle le 23 juin 1935 avec son épouse et ses trois fils, Paul-Émile, Olivier et Joseph-André, Émile se met à la tâche pour rendre la maison habitable et construire une étable en bois rond pour abriter le cheval, le taureau, les moutons et les trois vaches apportées de St-Luc. On érigea aussi une grange pour entreposer le foin. Il faut travailler d’une clarté à l’autre pour défricher et faire les constructions. À l’automne, Émile et son fils aîné vont aux chantiers avec le cheval. Le salaire est d’environ 35$ par mois pour les hommes de 15$ pour le cheval. Ceci permet d’apporter l’argent nécessaire pour l’amélioration de la ferme.

Émile et ses fils défrichèrent la terre. En 1937, on construisit une grange-étable de 36′ par 50′ (10,9 X 15,24 M) pour abriter les animaux et les récoltes. Ce sont désormais des bâtiments permanents. En 1939, il fit acquisition d’un autre lot, le no 41, afin d’établir son fils aîné, Paul-Émile. Comme on achevait la construction de la grange sise sur ce nouveau lopin, Émile fut atteint d’un mal d’estomac qui força son hospitalisation. Il décéda deux semaines plus tard. À 50 ans, c’est un pionnier infatigable et déterminé qui disparaît.

Paul-Émile et ses frères termineront la grange et bâtiront une maison sur ce lot. Il se mariera le 5 mai 1944 à Lucienne Aubin. De cette union naîtront deux garçons et trois filles. En 1946, Paul-Émile va échanger sa propriété avec celle de sa mère et, conséquemment, revenir à l’endroit même où toute la famille avait débarqué en 1935. Pendant plusieurs années, Paul-Émile sera cultivateur jusqu’à ce que la tornade de 1963 vienne balayer grange et silo. Il choisira alors de ne pas reconstruire et optera plutôt pour un travail salarié. Quant à Joseph-André, le cadet de la famille, il suivra un cours à l’école d’agriculture de La Ferme, près d’Amos, et travaillera comme fermier jusqu’en 1946. Après, il sera secrétaire de la caisse populaire et se mariera en 1949 à Violette Jacques dont il aura trois filles. Il sera secrétaire de la commission scolaire et de la municipalité de Palmarolle durant une vingtaine d’années. Il travaillera aussi comme inspecteur de colonisation au ministère de l’Agriculture et de la Colonisation.

Olivier, le deuxième des fils, suivra également un cours moyen à l’école d’agriculture de La Ferme de 1937 à 1939. Il fera l’élevage d’abeilles et, après la mort d’Émile, en 1942, il demeurera avec sa mère. En 1945, il suivra un cours de coopération à Sherbrooke sous la supervision du Chanoine Malouin. Il apprendra également la comptabilité des caisses populaires et des sociétés coopératives et deviendra directeur-gérant de la Caisse populaire de Palmarolle et secrétaire de la coopérative de beurrerie de la même localité. En 1946, à la fondation du syndicat de travail qui opère les chantiers coopératifs, il y occupera le poste de secrétaire qu’il conservera durant 15 ans. Comme Olivier préfère le travail au grand air, il laissera ce travail en 1947 à son frère André qui avait suivi un cours de coopération à l’université Laval.

En 1948, il refusera un travail à la caisse populaire d’Amos et achètera de sa mère le lot 41 (le lot qui avait été échangé avec Paul-Émile). Il choisira donc la carrière d’agriculteur à celui d’employé salarié. Le 23 juin de la même année, il unit sa destinée à celle de Marguerite Bédard, fille de Joseph Bédard, habile charpentier de Palmarolle et originaire de Ste-Germaine du Lac-Etchemin. Mme Léa Audet, mère d’Olivier, restera avec son fils jusqu’en 1985 et décédera en 1987 à l’âge respectable de 93 ans.

Ce fut la première page de l’histoire de la famille Mercier en Abitibi-Ouest. Ce fut également le début de la ferme Olivier Mercier et fils Inc. Olivier a continué à œuvrer dans les organisations paroissiales. Il sera aussi secrétaire du syndicat de l’Union catholique des cultivateurs (UCC) et président de secteur de l’UPA de 1974 à 1981. De 1955 à 1957, il fit un retour comme gérant de caisse populaire. Retraité, Olivier s’est impliqué dans le club de l’âge d’or et a continué la comptabilité de la ferme jusqu’en 1997. Sur la ferme, il s’est occupé de façon occasionnelle, du fauchage et des battages. Après une vie bien remplie, il est décédé le 19 octobre 2012, à l’âge de 92 ans. Quant à Marguerite, elle s’occupa comme bien des femmes de son temps, de la gestion de la maisonnée, du jardinage et aussi de la ferme en l’absence d’Olivier. Elle nous a quitté le 3 avril 2017, à l’âge de 91 ans. Sa mémoire restera à jamais dans nos coeurs.

La maison où la famille Mercier s’est installée à son arrivée à Palmarolle, en 1935. Les bâtiments de ferme n’existant pas encore, on dût en construire des temporaires pour abriter le cheptel que la famille avait amené avec elle. Dans l’ordre habituel, Paul-Émile, Émile Léa, Olivier et Joseph André. 

Cette maison, dont le plancher était à l’origine en terre battue, à été rénové pour la rendre plus hospitalière. Malheureusement, elle sera plus tard détruite par un incendie. 

Le voyage de Paul-Émile Mercier vers l’Abitibi

En 1935, toute la famille Mercier migre vers l’Abitibi. Mais ce n’est pas qu’un simple déménagement. Il s’agit d’acheminer à Palmarolle tout le cheptel que la famille a constitué jusqu’alors et qui représente le gagne-pain, le patrimoine pour assurer sa subsistance dans ce Québec bouleversé par la Grande Dépression.

Le trajet s’effectue en train. Émile, Léa, Olivier et Joseph-André s’embarquent à Québec en direction de La Sarre, avec bagages et ménage. Ensuite, c’est au tour de Paul-Émile, aîné de la famille, de prendre place à la gare de St-Malachie avec les animaux pour un périple qui durera sept jours ! Durant le voyage, il devra s’assurer que les bêtes ne manquent de rien, tout comme celles de Fred Breton dont il a également la charge. À 17 ans, il a sous sa responsabilité deux wagons remplis d’animaux faisant route vers l’Abitibi.

Le cheptel de la famille Mercier est alors composé des animaux suivants :

Un cheval, un taureau, deux vaches, 
une taure enceinte, 
cinq moutons et un bélier, des poules et un chien.

Paul-Émile s’installe donc avec la ménagerie. Il déploie une paillasse sur les cages des moutons. C’est là qu’il passera ses nuits.

À Senneterre, aux portes de l’Abitibi, les réserves de foin sont épuisées. Le train a pris du retard et le voyage s’avère plus long que prévu. Paul-Émile devra se débrouiller, dans une contrée qu’il ne connaît pas, pour trouver du ravitaillement et nourrir les bêtes. Il finit tout de même par dénicher du foin de mauvaise qualité, mais qui suffira pour le reste du voyage.

Arrivés à la gare de La Sarre, parents et amis l’accueillent. Ils feront à pied, avec vaches, cheval et moutons, les 15 km à couvrir pour arriver à Palmarolle. La famille Mercier peut maintenant s’établir en sol abitibien.